G20 Moscou: Interview de Didier REMER. (FINANCE OFFSHORE)




 Le plein de promesses pour le G20...
 
                          
 
 

Pour cet énième sommet des ministres des finances des vingt principaux états contributeurs de l'économie mondiale et de leurs gouverneurs respectifs de banques centrales, "Finance Offshore" vous propose un entretien bilan sur le G20 de Moscou avec Didier REMER, son rédacteur en chef . Cet opus russe marque l'annonce d'un large consensus sur le besoin de contenir les effets pervers de la guerre des monnaies, et ses nombreuses dérives spéculatives qui en découlent. Dans une économie mondiale qui se doit toujours trouver une issue aux conséquences de la crise, le sommet s'est proposé à la définition d'un plan pour la refonte de la fiscalité internationale, visant directement les paradis fiscaux et le dumping fiscal grandissant. L'équité aura bien été un sujet central depuis la remise d'un rapport édifiant de l'OCDE, confirmant l'impact de certaines pratiques de multinationales usant des ressorts de l'optimisation fiscale pour s'affranchir de leur devoir face à l'impôt. Différents points que le communiqué final du G20 soulignent avec la même force. Pour de nombreux états, les conséquences de la crise ne semblent pas encore faire sens au nouveau cadre réglementaire qui suppose toujours plus d'équité...

Luxembourg le 16/02/2013

Emanuel De Saint-Cyr: Le G20 de Moscou est jugé comme déterminant sur les questions fiscales et sur la dévaluation compétitive, peut-on conclure pour autant à de réelles évolutions?



Didier REMER: Le grand enseignement de cette messe de l'élite mondiale économique réside bien plus dans la volonté de mettre l'accent sur des stratégies crédibles de moyen terme. On sait que les cycles de mise en application des mesures sont souvent contraints par un processus complexe, long et souvent faisant l'objet de multiples rebondissements, chacun préférant s'aménager une sortie par le haut. Un effet "poupées russes" qui sciait parfaitement à cet opus de Moscou.


EDSC: Certains pays européens comme la France, s'inquiètent de la vigueur de l'Euro, concluant au risque inhérent sur leurs exportations et les conséquences sur le besoin de mettre en phase les politiques monétaires avec le besoin de croissance. Cet opus semble définir un accord sur ce besoin de changer de paradigme, cela est-il pour autant suffisant?

D.REMER: Le G20 estime que la politique monétaire doit être dirigée vers la stabilité des prix au niveau national tout en recommandant aux acteurs de soutenir la reprise économique pour assurer la crédibilité des mandats respectifs des différentes banques centrales. Cet impératif n'empêche pas de voir certains états inonder les marchés de monnaie pour soutenir leur économie. Les financiers parlent de bonne guerre, mais l'exercice a pour effet de déprécier leurs devises, la boucle est bouclée, les conséquences de cette pratique sont en ligne de mire, il faut agir sur cette dérive qui tend à s'amplifier. Sur ce point des différences flagrantes se mesurent entre le Japon, les Etats-Unis et le refus d'une telle logique par la Banque Centrale Européenne, qui risque bien de devenir la plus grande victime de cette guerre des monnaies. La position défendue par les français est clairement à propos dans ce contexte si particulier.
 
 
Capital sympathie pour la directrice générale du FMI...
                                   

EDSC: Le G20 semble laisser une porte ouverte à certaines politiques de dévaluations qui résulteraient d'une politique de relance à l'image du Japon, peut-on conclure à une géométrie variable en la matière?


D. REMER: Lors d'un G20, tout le monde se berce d'illusions, les bonnes volontés sont clairement affichées, mais les politiques programmatiques réservent bien des surprises. C'est tout l'art de la communication déployée lors de ces grandes messes. On peut comprendre qu'il y ait une volonté d'équilibrer la balance inversée de l'actuelle tension monétaire, pour ce faire on se donne bonne conscience en assurant haut et fort vouloir minimiser les effets collatéraux des politiques d'assouplissement monétaire sur les autres pays. On travaille sur une logique de taux de change qui soit réellement déterminée par le marché en reflétant les fondamentaux économiques sous-jacents. On part d'un bon sentiment, mais en coulisse, chacun prend son temps pour s'aménager un espace pour jouer, toujours et encore avec les taux de change, même s'il est de bon ton vouloir assurer travailler ensemble pour croître ensemble. On ne change pas de paradigme d'un coup de baguette magique...



EDSC: Les objectifs de la maîtrise des déficits budgétaires instiguent de nombreux et coûteux efforts, comme ceux que devront supporter les contribuables des états enferrés dans la crise, sur ce point le G20 n'offre pas de contre-partie aux peuples visés, peut-on parler d'échec?



D.REMER: Il est clair que pour ce qui est de rassurer les peuples, je ne sais pas si le G20 est en  meilleure capacité pour l'exercice. Je suis plus optimiste sur les travaux de l'OCDE qui instiguent une refonte de la fiscalité des multinationales qui parviennent à payer 5% d'impôts quand la moindre petite structure est elle même toujours imposée à 35%, de quoi laisser perplexe! L'optimisation fiscale pratiquée à grande échelle intéresse les états qui sont à la peine pour boucler des budgets fortement contraints. Sur ce point, nous verrons si les travaux de l'OCDE feront consensus avec une équivalente vigueur comme celle affichée au sortir de cet opus du G20. La situation économique mondiale offre une chance sur ce besoin d'agir contre des dérives toujours plus flagrantes, mais du côté des états qui profitent d'un cadre réglementaire encore favorable, on ne se bouscule toujours pas au portillon des bonnes intentions.

Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE en pleine démonstration...
...face au président Vladimir Poutine!


EDSC: Une fois de plus, le G20 assure vouloir s'attaquer aux dérives que représentent les paradis fiscaux, chacun se souvient des fameuses listes noires grises et blanches de l'OCDE, peut-on conclure à des avancées depuis 2008?



D.REMER: Je trouve injuste de conclure à une absence de progrès, cependant la sincérité affichée des états visés n'est pas toujours en proportion avec une traduction objective des recommandations du G20, et donc des travaux de l'OCDE. Il n'est pas surprenant que ces mêmes états représentent toujours la plus forte concentration de sièges de multinationales qui contournent le devoir devant l'impôt, jouissant des failles évidentes des normes fiscales internationales. Les ministres concernés aiment à rappeler qu'ils agissent dans le respect pur du cadre réglementaire, si le G20 n'obtient pas la définition de réglementations supranationales en la matière, à l'image de l'échange automatique d'information, tous les efforts acquis se réduiront telle la peau de chagrin. Les récentes affaires qui impliquent des banques et plus important, les multinationales devraient pouvoir contribuer à renforcer l'impact du rapport que l'OCDE devra remettre en Juillet. Mais on parle plus d'une étude des conclusions de ce rapport que d'un ensemble réel de mesures dans un calendrier défini, et donc précis. Souhaitons juste que les bonnes intentions affichées ne se retrouvent aux oubliettes pour porter un coup supplémentaire à l'objectif louable d'assurer des réponses efficaces à l'absence de normes fiscales internationales adaptées à la mondialisation et au développement de l'économie numérique par exemple. Sur ce dernier point, chacun peut comprendre que les principaux opérateurs de l'économie numérique ne devraient plus passer au travers des mailles du filet. Les affaires Google, Amazon... sont à mettre en perspective avec la problématique que suggère le dumping fiscal aux conséquences sociales désastreuses. On évoque une possible liste noire des entreprises qui pratiquent l'optimisation fiscale au détriment des territoires où sont réalisés la majeure partie de leurs profits. Une idée bien courageuse qui risque de s'évaporer avec les pressions qu'elle risque de susciter d'ici au prochain G20. Le système des filiales est également dans le viseur de l'OCDE, Organisation de coopération et de développement économiques qui vient de produire un édifiant travail d'enquête sur ces pratiques des navettes fiscales. On notera les contradictions de certains états européens qui s'affichent comme bons élèves pour mieux s'abriter derrière la réglementation européenne, profitant de l'apport de ses actuelles faiblesses qui contribuent directement à la dichotomie de leur discours sur la scène internationale, comme affichée une fois de plus, au sortir de ce G20 faisant bien plus cas de la guerre des monnaies. Il faudra impérativement un équilibre efficient pour toutes les questions et solutions que souhaitent traiter le G20, sans calendrier précis, son efficacité y perdra en crédibilité.
 
 
 
 









 

 
 
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