Zone euro: Florange, Mittal est-il crédible?



                                  Pour Didier REMER, il faut sortir des logiques fractales!

Depuis des mois, Finance Offshore scrute l'évolution du dossier « Mittal », suite à quelques « retours » sur le dossier, Emanuel de Saint-Cyr rencontre Didier REMER, rédacteur en chef de Finance Offshore...
Luxembourg le 14/12/2012
Emanuel De Saint-Cyr: Aujourd'hui, le dossier Mittal gagne en épaisseur, de Luxembourg à Paris , en passant par Florange, des langues se délient, peut-on parler d'une victoire de Mittal sur l'état français?

Didier Remer: Je n'ai pas été à l'origine des récents articles sur Mittal pour ce qui est de notre site « Finance Offshore ». Comme vous le savez, j'ai une prudence relative sur monsieur Lakshmi Mittal, elle trouve son origine dans l'idée que je me fais de ce financier qui dirige une des plus grandes industries au monde. Mon analyse est plus personnelle que factuelle. Il ne serait pas constructif pour moi de me livrer à la curée médiatique qui entoure cette affaire...



                                                   Pdg et Président, déterminés....


E.D.S.C: Certes, mais vous devriez pouvoir nous dire qui est le véritable gagnant dans l'épilogue de la crise « Florange », vous étiez bien informé sur certains aboutissants et tenants de cette affaire?

D.REMER: Pour être franc, je ne trouve pas correct de résumer cette affaire en terme de perdants ou gagnants, on parle de personnes qui se battent pour assurer leur emploi, et donc avenir. On ne doit pas minorer le caractère tout aussi important d'un dirigeant de groupe qui se doit assurer un équilibre à l'avenir de ses activités, comme toutes entreprises industrielles, il y a des branches rentables, d'autres moins évidentes dans le contexte si particulier d'un marché si concurrentiel, enferré dans une mondialisation si diffuse. Monsieur Mittal représente 20 000 salariés en France, et ne l'oublions pas, autant de clients et actionnaires en nombre pour que je puisse devoir me refuser à certaines caricatures. Les polémiques ne devraient jamais l'emporter sur les enjeux que représente l'obligation d'une négociation qui devrait rester logiquement et prioritairement constructive...

E.D.S.C: Pour les syndicats, monsieur Mittal n'est pas franchement perçu comme un exemple de cette fameuse obligation de négociation constructive! Il est bien plus courant de parler d'un « financier aux dents longues » et finalement sans scrupules. On voit bien comment monsieur Mittal peut faire plier un gouvernement qui mettait en avant une possible nationalisation, reconnaissez-vous que sur ce point c'est bien lui le gagnant?

D.REMER: Pour vous dire mon sentiment, l'idée d'une nationalisation était une  fausse bonne idée, tant elle portait le risque d'un signal négatif pour tous les potentiels investisseurs désireux de venir s'implanter en France. Le ministre du redressement productif se doit redresser et non pas intimer par menace les industriels étrangers présents sur le territoire français. Utiliser cette arme est un acte qui se voulait symbolique, mais il faudrait revenir à la genèse même de l'histoire de ce groupe pour comprendre que l'état est en partie responsable de la situation actuelle. Arcelor était en son temps victime d'une OPA de triste mémoire, elle incarnait bien les défaillances de l'état français, mais pas uniquement. Si monsieur Mittal s'est invité dans le tour de table, c'est bien que la puissance publique s'est avérée pour le moins inadaptée sur ce dossier, pour ne pas dire comme unique « impuissance publique ». Aujourd'hui, dans le dossier « Florange », proposer une nationalisation était pour le ministre Montebourg une solution de portage technique à l'épilogue incertain, j'en tiens pour preuve qu'aucun actionnaire fiable s'est avancé dans la reprise du site et principalement sur les hauts fourneaux. Il fallait garantir l'activité, à Florange elle se décompose entre deux filières, une dite froide, rentable et l'autre dont un certain plan « Apollo » qui s'est avéré contraint pour son avenir, et ce, même si Mittal l'a en partie tenu. Les analystes s'étaient clairement montrés rétifs à l'idée du succès de l'opération de la direction d'Arcelor de l'époque. Pour me faire bien comprendre, si d'aventure, les deux hauts-fourneaux étaient bien l'objet d'un plan massif d'investissements en leur temps (dès l'OPA de Mittal: ndlr), ils devraient pouvoir encore assurer un avenir à l'activité, mais cette orientation suppose une logique qui devait trouver sa raison et tout son sens à une époque ou le contexte du marché de l'acier était clairement porté par un marché en adéquation, c'est à dire moins difficile et délicat qu'il ne l'est aujourd'hui.

                           
                                  
                                          En interne, Mittal communique sur ses orientations...

                                 
E.D.S.C: Mittal ne devait-il pas assurer cette part de l'investissement, tout au moins dès qu'il est entré dans le capital d'Arcelor avec l'ensemble des promesses faites?

D.REMER: Son groupe s'est orienté sur des clusters stratégiques et adaptés aux marchés historiques et logiquement nouveaux comme les émergents, d'une certaine façon, il aurait été capable de le faire, les investissements effectués sur le site ne sont pas de nature à démontrer qu'il s'est fondamentalement désintéressé de celui-ci. Aujourd'hui des études contradictoires se font jour, elles ne font pas la part belle au réalisme économique le plus efficient qui soit, cependant elles marquent les contradictions du groupe sur sa stratégie globale. Mais là aussi, il faut se refuser à une analyse simplificatrice, les coûts actuels du transport et les besoins des clients sont biens différents de ceux qui l'étaient à l'époque de l'OPA de Mittal. C'est tout l'art d'un bon gestionnaire qui doit s'adapter avec constance, mieux, avec pertinence pour suivre et anticiper l'évolution de son marché. La meilleure preuve est le projet ULCOS, très intéressant « sur le papier » mais si vous me permettez, une usine à gaz dans les faits, d'autant plus frustrant pour tous les espoirs que ce projet a suscité auprès des personnels du site de Florange.

E.D.S.C: Si je vous comprends bien, là aussi vous donnez raison à Mittal qui finalement ne semble plus croire en ce projet, du moins dans l'immédiat?

D.REMER: Les personnels de Florange sont las de promesses ou hypothèses hasardeuses, Mittal est le groupe du secteur qui consacre les plus gros budgets en innovation et recherche, les ingénieurs du groupe ne renoncent pas à l'idée de trouver une issue au projet ULCOS. Cependant, la posture du groupe est un aveu sur une technologie expérimentale, qui elle même est tributaire de l'impact financier que le groupe supportera et donc se doit y consacrer, c'est aussi un certain manque de visibilité sur une telle opération tributaire de financements communautaires et se devant rationnels au sens économique du terme. Mittal y consacre 13 millions d'euros pour la recherche, mais ne cache pas qu'il n'est pas technologiquement prêt pour garantir son succès, c'est une posture honnête du groupe, bien qu'elle suscite de nombreuses déceptions tout à fait compréhensibles...

E.D.S.C: Dans le contexte particulier de la crise, Mittal fait figure d'un financier particulièrement endetté, son groupe ArcelorMittal est bien dans une logique de cessions d'actifs et le besoin crucial d'agir sur ses coûts. Comment le croire sincère alors qu'il doit faire face aux pressions et ne s'est pas privé de laisser sur son chemin autant de sites fermés à jamais et autant de drames humains?

D.REMER: Il est à la tête du seul groupe global de sidérurgie au monde, ArcelorMittal est obligé de définir une stratégie efficiente pour l'ensemble de son activité. Si ces choix sont contestés voir contestables, il se doit assurer un équilibre entre l'offre et la demande, de ce point de vue, rien de nouveau, cependant ses orientations programmatiques se doivent intégrer les logiques du marché dont il est un principal opérateur. Sa place de numéro un mondial est d'autant plus vulnérable dans le contexte de la crise actuelle. Sur les questions d'humanité, je ne pense pas qu'il soit insensible aux conséquences de ces arbitrages, cependant là ou il annonce parfois des mauvaises nouvelles, il est tout autant bien accueilli ou il permet de maintenir ou développer des activités. L'économie est mondialisée, la géographie du réalisme économique ne se borne plus aux enjeux politiques locaux, on sait tous qu'il lorgne sur des investissements massifs hors de l'Union Européenne, certains y voient un transfert de sa technologie, d'autres des opportunités indispensables pour assurer la pérennité du groupe. Très honnêtement, comme par avant, je ne sais pas ce que des états actionnaires pourraient faire de mieux dans un tel contexte, cependant que la France, le Luxembourg, et d'autres, exigent une solution équitable à chaque licenciement est une nécessité absolue. Nos états se sont montrés particulièrement bienveillants pour aider cette industrie, ils se doivent vigilants sur les engagements et le sens donné à la parole d'un homme comme Lakshmi Mittal. Ce qui ne veut pas dire dans mon esprit que le bras de fer doit laisser bonne place au bras d'honneur... Je préfère des solutions qui misent sur la qualité des personnels du groupe, la capacité au maintien d'une activité économique sur des territoires dont la présence de l'industriel est un moteur qui assure un avenir serein à tous. Sur cet aspect, le groupe ArcelorMittal devrait faire force d'une implication plus forte pour imaginer des synergies plus efficaces pour accompagner les territoires dans la recherche de solutions par des investissements avec les états concernés, aider à la reconversion des personnels en leur permettant d'agir ensemble sur l'économie. Les potentiels sont nombreux, il faut sortir des logiques fractales.

E.D.S.C: Mittal peut-il agir de concert pour offrir une issue à ses personnels dès lors que la confiance est ainsi rompue, est-il encore crédible?

D.REMER: Je pense que s'il parvient à rester crédible sur la solution proposée, Mittal en sera que gagnant tout comme l'image de son groupe à l'international. Je ne doute pas qu'il puisse surprendre Florange dans l'avenir, nationaliser le site était une erreur, il faut s'inscrire dans des synergies efficientes avec le groupe.






 Pour comprendre, le groupe ArcelorMittal:




ArcelorMittal est le n° 1 mondial de la sidérurgie. L'activité du groupe s'organise autour de 3 pôles : - vente d'aciers plats au carbone : bobines d'aciers laminés à chaud et à froid, tôles revêtues, etc. ; - vente d'aciers longs au carbone : poutrelles, ronds à béton, aciers marchands, fils machines, fils de sciage, palplanches, rails de transports en commun, profilés spéciaux et produits de tréfileries ; - autres : vente de tuyaux et de tubes, activités de transformation, de distribution et de négoce d'aciers. Les produits du groupe sont essentiellement destinés aux secteurs de l'automobile, de l'électroménager, de l'emballage et de la construction. La répartition géographique du CA (hors activités arrêtées) est la suivante : Allemagne (9,2%), France (6,8%), Espagne (5,9%), Europe (26,1%), Etats-Unis (16,6%), Amériques (19,3%), Asie et Afrique (16,1%).


Raison sociale : ArcelorMittal
Adresse : 19 avenue de la Liberté L-2930 Luxembourg, Luxembourg
Telephone : +352 4792 2484
Site web : http://www.arcelormittal.com

PDG:Monsieur Laksmi N. MITTAL
Finances: Monsieur Aditya MITTAL

Contact investisseurs: Monsieur Daniel FAICLOUGH













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