Zone Euro: Ne pas céder à la panique! (Entretien exclusif)





Ne pas céder à la panique...


Emanuel de Saint-Cyr: On a remarqué  vendredi que la logique baissière s'est installée comme un signe de contagion. Comment expliquer cette chute généralisée en Europe et dans le monde?
Didier REMER: Rien de vraiment nouveau, la peur est bien la première raison des effets qui se font jour. La crise de la dette en Zone euro ajoutée à celle des États-Unis sont autant de facteurs anxiogènes. Alors que la Zone euro venait tout juste de se trouver une solution jugée enfin comme relativement acceptable, les États-Unis s'enferraient dans une course contre la montre... des plus stressantes. Dieu merci, une issue est bien trouvée, mais elle fait bien plus force à un règlement de comptes entre Républicains et Démocrates, rien de plus. Encore que Barack Obama se retrouve clairement asphyxié par cet accord qui le prive de l'essentiel des options retenues pour son plan de relance pour rétablir l'équilibre vers la croissance. Cet opus de la crise en Europe et dans le monde trouve donc aussi son origine en partie à Washington, l'accord sur le budget qui offre un relèvement du plafond de verre de quelques 2500 milliards de dollars est un arrangement technique. Un certain ouf de soulagement qui laissera vite place aux nombreux doutes persistants. Les investisseurs ne sont pas dupes, les rumeurs , bien que clairement fondées sur l'abaissement par S&P (ndlr:Standard and Poor's )de la note américaine de AAA à AA+ feront hélas le reste. La journée ne sortira plus de la spirale infernale, la planète finance ne croit plus les politiques pour sortir les états de la crise, en Europe les chefs d'états sont en vacances et invitent les marchés à patienter « calmement » jusqu'à la rentrée! Autant dire que le plan du 21 juillet est un accord qui dépend aussi des différents votes des parlements nationaux, eux aussi en vacances. C'est dire que le moindre effet d'annonce ou rumeur incidera sur des volumes moins conséquents en été, période d'autant plus propice aux variations.
EDSC: La BCE pourra t-elle assurer l'intermittence? La convocation en urgence d'un G7 n'est pas de nature à apaiser les marchés, votre avis?
Didier REMER: Les décisions des européens sont pour l'essentiel perçues avec soulagement par les marchés, mais une autre composante des marchés réside aussi dans ce rôle majeur des spéculateurs qui ciblent toutes les potentielles faiblesses et font ainsi leurs affaires! La BCE doit agir comme un relais d'action d'ici à la mise en application effective des réponses actées par le plan des européens. On voit bien que la position défendue dès les prémices de cette crise par la Banque centrale européenne avait du sens. La BCE s’opposait au principe du défaut de paiement de peur d’entraîner un effet de contagion. Au vu de ce qui se passe aujourd’hui, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, avait clairement raison! D'autant plus sur les modalités d'implication du secteur privé. L'Italie et l'Espagne sont deux cibles essentielles par la masse critique que représentent ces deux états d 'un poids économique bien plus important que la Grèce. Mais il nous faut relativiser le risque réel qui pèse sur ses deux états, l'Italie est un acteur économique dont les fondamentaux sont en général bien plus positifs que la Grèce ou l'Espagne, la dette est clairement soutenable, le solde primaire bien plus positif par une balance efficace des impôts encore très efficiente, une dette qui fait rôle à des maturités plus longues (Ndlr:emprunts de longue durée), seule l'inversion de cette tendance impacterait gravement l'Italie. Garder la tête froide clamera François Baroin, ministre français de l'économie bien inspiré! Mais pour l'Espagne, l'histoire est toute autre, le secteur bancaire est clairement fragilisé est se trouve toujours plus confronté à une économie elle-même empreinte aux pires difficultés. L'absence de solutions macroéconomiques efficaces laissent transparaître un avenir bien sombre pour l'Espagne, la crise sociale et le climat qui entoure  les futures élections sont autant de facteurs aggravants de la situation instable d'un état qui frôlerait bien plus la faillite. D'ailleurs pour être complet sur ce point, bien plus que l'Italie si d'aventure le plan européen n'était pas acquis pour un avenir très prochain.
EDSC: Ce fameux fédéralisme budgétaire qui fait encore cruellement défaut?
Didier REMER: L'organisation de la Bce et ses différentes banques centrales n'est pas la démonstration la plus évocatrice d'une absence réelle de fédéralisme dans les faits, c'est un progrès vers la mutualisation des risques et recours qui s'invitent aux débats. La principale difficulté est cette mise en action de ce fédéralisme budgétaire qui s'imposera comme la  réponse vers une mutualisation de l'ensemble des dettes qui font rage, la fameuse unicité de la Zone euro. Un rapport sur les obligations européennes fait actuellement le tour des principaux bureaux de la Commission de Bruxelles, ce n'est pas un hasard... Si Nicolas Sarkozy et Berlusconi accordent leurs violons pour un G7 avancé dans le calendrier officiel, c'est bien que les européens se rendent enfin compte qu'il leur faudra accélérer le train des mesures sur la gouvernance économique, la définition d'un fonds européen capable de devenir l'outil utile pour ces 17 états qui font la Zone euro. Certains parlent de 2000 milliards d'euros pour l'ensemble de la zone, diviser 2000 par 17 et vous aurez une idée assez juste sur la capacité réelle que devrait garantir un tel fonds. Mais bien plus qu'une unité relative, ce fonds devra actionner des capacités face à des réalités aussi différentes que potentiellement porteuses de risques qui seront impérativement à différencier. Aujourd'hui, logiquement on s'adosse volontiers en garantie sur les états les plus sûres de la Zone euro, mais il faut comprendre que l'intérêt de ce mécanisme de stabilité réside aussi dans le besoin de ne pas devenir un facteur de potentiels déséquilibres, les dettes allemande et française s'achètent plutôt bien, alors que sont vendues en masse l'Espagnole et l'Italienne... L'intérêt de ce fédéralisme budgétaire réside dans ses capacités réelles, on devra passer d'un stade punitif à celui d'une notion constructive, et nous allons voir comment l'intérêt général s'imposera sur les intérêts particuliers... Comme largement évoqué sur Finance Offshore, il faut mutualiser nos efforts, nos risques, nos capacités, et plus important, nos espoirs. Aujourd'hui le mot clef, c'est bien la croissance!
EDSC: Comment faire obstacle à la panique qui marque des points?
Didier REMER: Cher Emanuel, il serait intéressant que les différents acteurs de cette partition soient en mesure de ne pas tomber dans la "récession mentale", car à l'image de l'économie réelle, la récession n'est pas vraiment de mise! Il faut du courage politique, la définition d'un cadre précis et le refus d'une omerta sur des sujets aussi importants que ceux du fédéralisme budgétaire, la gouvernance économique, et l'importance d'une réelle gestion et maîtrise des dépenses publiques. On devrait pouvoir définir des objectifs qui replaceront enfin la logique de la croissance au centre des débats. L'Europe peut imaginer un grand plan d'investissements massifs. Objectif pour se doter d'une logique capable d'inverser la tendance actuelle, c'est à dire l'austérité généralisée! Climat propice à une panique financière comme celle de 2008, les investisseurs sont dans une passe bien plus délicate que les spéculateurs... Les incertitudes sur des carences identifiées sont toujours plus profitables à ceux qui jouent d'un manque de cohérence en Zone euro. Il faut remettre un moteur à la zone, l'indispensable croissance pour son avenir!




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